L’exposition MATIÈRE ÉCRAN relate de formes artistiques transverses, entre digital et tangible. L’écran y est montré comme un compteur d’histoire, une empreinte numérique. Il reflète notre identité en effet miroir, en renvoyant à notre moi digital, notre avatar. À une époque dans laquelle le rapport à l’écran est omniprésent, les artistes de l’exposition redéfinissent son rôle et en offrent un autre point de vue.
Ils expriment une vision qui reflète la place des technologies dans nos sociétés contemporaines, en questionnant la manière dont elles façonnent notre perception du monde. En interrogant la notion de réalité, en créant des fictions. Des images inspirées ou tirées du quotidien mais ayant leur propre existence numérique.
Elles y sont scannées, décomposées, surexposées, pixelisées…
Les oeuvres présentées à l’exposition sont inspirées d’un esthétique directement liés aux technologies, et à l’application de traitements d’images. L’image est décomposée numériquement, en en exacerbant, la place du pixel dans sa substance.
Manon Pretto diffracte le réel pour lui en donner un autre impact. L'oeuvre Au delà du mur sur le thème de la frontière, est composée de deux images disposées en miroir, dont l’une est le négatif de l’autre. En utilisant des effets transformant l’image et exacerbant ses couleurs, elle transpose le réel pour en offrir une mise à distance critique de nos territoires.
La matière digitale est transposée en oeuvre tangible, dans laquelle l’écran est considéré comme un médium. Les oeuvres transforment le réel en perturbant visuellement l’espace physique ; en mettant en scène le contraste entre l’inertie de la composition plastique avec la matière mouvante à l’écran, ou inversement, en mimant les priorités lumineuse de l’écran avec des principes rétro éclairants.
Dans sa série Fragments d’écrans Dorian Rigal explore les propriétés intrinsèques de l’écran. Ce dispositif décompose la lumière de l’écran en séparant les différentes couches qui composent l’image numérique. Il joue avec la direction de la source lumineuse, pour en révéler le principe polarisant. Une lumière passe à travers un bas relief en résine transparente, se courbe et se diffracte pour produire une matière iridescente.
L'artiste permute dans le tangible des médias digitaux avec Le Tableau et L’écran, série d'oeuvres avec écrans intégrés, dont chaque tableau est conçu comme un objet digitalisé présentant un contenu vidéo unique. Ses composants électroniques sont délibérément visibles. Ils sont agencés en compositions avec des moulages en résine de circuits imprimés ; témoignant de pratique de l’artiste, à la fois plastique, électronique et digitale Dorian Rigal utilise l’outil numérique pour offrir une autre vision du réel grâce avec des représentations virtuelles, guidé par les découvertes imprévisibles des infinies possibilités permises par les images de synthèse.
L’oeuvre Le Tableau et L’écran, #01 Les fleurs molles, vidéo réalisée à partir du scan d’un jardin, il utilise des procédés de captures comme la photogrammétrie, permettant la numérisation d’objets de notre quotidien pour leur donner une réalité digitale. Un autre aspect de l’exposition est le retour à l’essence du principe de diffusion de l’écran, par la révélation de l’image par la lumière.
La série Positif lumineux de Dorian Rigal, réalisée à partir du négatif d’une image sous forme rétro-éclairé, est conçue pour être allumée brièvement, comme un flash visuel. Son format proche d’un téléphone mobile nous renvoie directement à notre rapport à l’écran. Ici l’image est pérenne bien qu’ayant un caractère furtif.
Manon Pretto utilise le même principe avec l’installation rétro-éclairée Un gant sur la lune, fondée sur un concept d’archéologie fictionnelle. Cette photographie d’un objet quotidien met en scène les reliques futures du présent, venant troubler la temporalité de l’objet regardé. Avec cette oeuvre elle brouille les pistes sur la véracité des images, entrant en écho avec la consommation que nous en avons, à l’heure du ‘Fake’ où tout peut être fabriqué.
L’artiste questionne aussi la notion d’empreinte et de mémoire digitale, dans sa série Sample extraite de l’installation Under the ground ; disposée au sol et composée d’oeuvres digitales imprimées, d'écrans et de débris… comme le vestige d’un espace numérique en ruine. Présentée à l’exposition, la série Sample en est l’échantillon, une transposition de la pierre en une matière pixellisée, un artéfact digital.
Cette idée de figer une matière digitale en oeuvre plastique est présente dans l’oeuvre Color Blind de Bastien Cuenot, pour laquelle il utilise un médium traditionnel pour reproduire un effet numérique. Cette peinture à l’aérographe aux couleurs intenses représente des zones de chaleur dans le ciel, capturées par l’artiste via le dispositif d’une caméra thermique branchée sur un Iphone. Réalisée à la main, le geste de l’artiste lui appartient encore, mais ponctuellement sa vision est déléguée au capteur d’un Iphone.
Sa démarche tend à extraire les formes digitales pour les incarner dans le monde physique. Il pose ainsi un regard critique sur les technologies contemporaines, s’en servant comme matière première de sa pratique artistique.
Sa série Impression, Soleil Levant, réfère aux traces emblématiques du passage de la bombe atomique d’Hiroshima, dont les rayonnements thermiques ont rendu visibles les ombres des victimes portées sur le sol. Elles sont gravées sur écran au laser pulsé, faisant naitre dans cette image fantome une réminiscence du passé qui renvoit aussi à notre avenir nucléaire.
Saisir cette matière écranique dont la substance est digitale… Serait-ce une volonté de figer le temps et la mémoire d’un monde qui en manque ?
Dossier de Presse